LES DÉSENCHANTÉES by Usager

LES DÉSENCHANTÉES by Usager

Auteur:Usager [Usager]
La langue: eng
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


Il habitait une grande maison sur la route de Saint-Laurent-du-Var et louait des chambres aux danseuses de passage. Il m'installa sous les toits et me prévint :

« Ne fais pas l'idiot. Ces filles ont mieux à faire dans la vie que de coucher avec un qui n'a pas d'argent. »

La maison puait l'huile d'olive. En bas, une grande cuisine fraîche et noire, une salle à manger avec une longue table sur tréteaux, un salon avec une banquette et des fauteuils crevés. J'entrai dans la maison vers onze heures. A deux heures, César me faisait engager au casino.

« Je ne vais pas l'entretenir à rien faire. Tu es grand, très fort pour ton âge. Tu auras un beau costume comme moi et rien à faire.

Le Casino veut bien m'entretenir à rien faire ?

Le Casino peut. »

Je restai debout dans les salles de jeu en m'essayant à la gravité. Ma présence, ma carrure, mes regards apparemment discrets troublaient les tricheurs. J'étais devenu une sorte de gendarme immobile. Et je n'avais vraiment rien à faire.

Un soir, on me met à l'épreuve. Mon « chef » me montre un joueur à la mine inquiète et m'ordonne de le sortir. Content d'agir, je l'attrape par le col, le soulève de son siège et le porte dans le hall. Je reçois quelques félicitations assombries d'une menace de renvoi. J'aurais dû parler à l'oreille du tricheur et le prier de me suivre. Mes manières étaient tout justes bonnes pour un tripot. Je promets d'être doux.

Chez César, arrivée de douze danseuses anglaises accompagnées d'une duègne. Elles sont déjà venues à Nice et connaissent la maison. Elles embrassent gentiment César, apprennent que je suis le neveu, poussent des cris de joie et m'embrassent avec le même sentiment familial. Elles sont très jolies et m'inspirent aussitôt de farouches désirs. A toute heure, elles traversent les couloirs en petite tenue. Déterminé, j'entre dans leurs chambres sans frapper; elles ne font que rire et glousser. Peu à peu, je ne les considère plus comme des femmes; je les vois avec un œil fraternel non incestueux. César qui me surveille, me dit : « Tu as compris, heureusement ! Ce sont de gentils petits bestiaux. La gouvernante serait plus accessible. »

Semaine après semaine, pendant la saison, je vois défiler tous les types de femme, solides danseuses tyroliennes, Andalouses déhanchées, fausses Égyptiennes, chanteuses abondantes qui me rappellent Madeleine Sergent, danseuses (laides) de cafconc'. Leur grand nombre les efface. Je passe des cris et de l'agitation folle de chez César au silence ardent des salles de jeu. J'attends mon jour de congé pour aller me rafraîchir dans les vallons sauvages de Vence ou de la Gaude.

« Tu es content ? » me demande César en revenant du Casino.

Content ? Content de veiller jusqu'à cinq heures du matin, de me lever à midi, de perdre les heures fraîches, de traîner dans la maison caquetante, content de repartir pour le Casino à cinq heures, de dîner avec les maîtres d'hôtel et de rester debout ?

« Quand tu auras vingt et un ans, tu passeras croupier.



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